l’insoluble équation du nouveau gouvernement

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Le programme promis par le nouveau gouvernement italien, et qui fait peur à l’Europe, a-t-il une chance d’être vraiment mis en oeuvre ?

Politiquement, Matteo Salvini et Luigi di Maio, hommes forts du gouvernement de Giuseppe Conte, sont enclins à mettre en oeuvre leurs idées. Economiquement et techniquement, un bon nombre de mesures semblent inapplicables. Revue des termes d’une équation a priori insoluble.

Avant de se retirer, Carlo Cottarelli avait prévenu : « Il sera impossible de réaliser tout ce qui a été promis, je ne suis pas d’accord avec l’idée que l’on puisse résoudre les problèmes de l’Italie en augmentant la dette et les déficits. Il est en revanche nécessaire de mettre les comptes publics en sécurité pour ne pas mettre en danger la croissance. »

Puits sans fond de promesses

Une pierre lancée dans le puits sans fond de promesses d’un programme que Carlo Cottarelli lui-même avait évalué entre 110 et 150 milliards d’euros.

Les économies pour le réaliser, elles, proviendraient essentiellement d’une chasse à l’évasion fiscale, et de la traque à la gabegie dans l’administration. Comme celle de Matteo Salvini, nouveau ministre de l’Intérieur, qui souhaite couper drastiquement dans les « 5 milliards d’euros dépensés pour l’accueil des migrants ».

Des économies bien insuffisantes s’il s’agit, en face, de supprimer la réforme qui avait mis en sécurité le système des retraites (coût estimé, 9 milliards d’euros), de ramener les barèmes des impôts à deux taux de 15 et 20 % (coût : 64 milliards), ou encore d’introduire un revenu citoyen de 780 euros par mois (entre 17 et 30 milliards selon ses modalités).

Des mesures par ailleurs dangereuses au regard d’une dette publique de 2.300 milliards d’euros, soit 132 % du PIB, et dont les effets espérés sur la croissance sont pour l’instant hypothétiques.

« Apprentis sorciers »

Politiquement gagnant a priori, ce programme aurait en outre l’inconvénient de susciter un grave conflit avec les partenaires européens. Bruxelles ne se fait pas d’illusions sur la période de tensions qui s’ouvrira avec Rome. La remise en cause du pacte de stabilité et des traités européens ne cesse d’être brandi par les forces antisystèmes qui ont désigné comme ministre des Politiques communautaires l’eurosceptique Paolo Savona à l’origine prévu au ministère de l’Economie. Poste qui lui a échappé en raison de son plan B pour faire sortir l’Italie de la zone euro.

« Ce sont des apprentis sorciers qui mettent en danger l’épargne des Italiens et vont exposer le pays au risque de défaut  » s’est inquiété l’ancien ministre du Développement économique Carlo Calenda.

Un alarmisme que ne partage pas l’économiste Giovanni Fiori de l’Université Bocconi de Milan. « La Ligue aboie au niveau national mais au niveau local fait preuve de compétence et de bonne gestion. Le M5S serait en revanche une catastrophe comme il l’a prouvé dans les villes qu’il administre. Si la composante de la Ligue arrive à prendre le dessus, les dégâts devraient être limités d’autant plus que le ministre de l’Economie Giovanni Tria a des positions moins extrémistes notamment en matière fiscale. N’en demeure pas moins que ce programme est inquiétant et que des mesures efficaces comme la relance des investissements et de la productivité n’y figurent pas « , conclut-il.

Condamné à réussir

La naissance de l’exécutif politique de Giuseppe Conte a pour l’instant rassuré les marchés en conjurant le risque de l’instabilité. Ses premières décisions pourraient rapidement faire resurgir les craintes sur la tenue de son économie, de ses comptes publics et de son avenir dans la zone euro. Il est donc condamné à réussir pour ne pas décevoir les espoirs suscités dans l’opinion publique et ne pas faire éclater une crise financière qui aurait d’inévitables répercussions au niveau européen.

« Ayez confiance en mon gouvernement », a demandé le nouveau président du conseil, qui s’est présenté comme l’avocat des Italiens et de leurs intérêts pour les remettre sur le chemin de la croissance. Au moindre faux pas, il sera immédiatement mis en accusation.