Bruno Deletré, le métronome de la Caisse d’Epargne d’Alsace

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La discipline n’est pas une vertu réservée à l’univers professionnel pour Bruno Deletré. Chaque soir, avant de dîner, ce banquier chevronné de 57 ans s’applique avec méthode à faire son heure de violon quotidienne. « J’ai commencé à quatre ans et demi et je ne me suis interrompu de jouer que lors de mes dix années passées au Trésor « , explique Bruno Deletré.

Pour celui qui vient de prendre la présidence du directoire de la Caisse d’Epargne d’Alsace, la musique est en effet loin d’être un passe-temps. Diplômé du conservatoire de Valenciennes – sa ville natale -, il y a créé un ensemble vocal spécialisé dans la musique sacrée en 1989, La Chapelle du Hainaut. « C’est un deuxième métier, on ne peut pas faire de la musique avec des professionnels sans être sérieux », assure avec un sourire Bruno Deletré, qui donne une quinzaine de concerts chaque année, fort d’un répertoire qui s’étend de la Renaissance au XXe siècle.

Dans sa vie professionnelle, Bruno Deletré s’est visiblement appliqué cette même ligne de conduite. Enarque, polytechnicien et inspecteur des finances, il a d’abord fait quelques allers-retours entre le ministère des Finances et Dexia avant de se spécialiser dans les projets de restructuration au sein du groupe BPCE (Banque Populaire-Caisse d’Epargne).

En 2009, il intègre le groupe bancaire naissant et se voit confier la tâche de remettre au carré les activités internationales de sa filiale Océor, qui opère dans l’outre-mer. Deux ans plus tard, le patron de BCPE, François Pérol – à qui Bruno Deletré avait fait faire sa « première tournée  » à l’Inspection des finances -, lui demande de reprendre la barre du Crédit Foncier, en grande difficulté après la crise grecque.

Méthodiquement et avec vigueur, l’homme s’attelle donc à la restructuration de cette filiale spécialisée dans le crédit immobilier. Le remède est drastique : cession d’activités à l’international, baisse des coûts, de la taille du bilan et des effectifs : 23 % des postes sont supprimés et le temps de travail par salarié est augmenté après une révision à la baisse des mesures sociales dans l’entreprise.

Sept ans plus tard, Bruno Deletré garde la mémoire précise des quelques mouvements de protestation et en tire encore une grande satisfaction : « Aucune autre banque française n’a dû réduire ses charges de 25 % en six ans et pourtant, en tout et pour tout, durant ces six années, nous n’avons eu qu’une demi-journée et une heure de grève en 2012, dit-il. Nous avons passé beaucoup de temps à discuter et nous avons réussi à convaincre les salariés de la nécessité de faire des efforts. Lorsque vous engagez une telle transformation, vous ne pouvez pas raconter d’histoires. »

Un représentant des salariés du Crédit Foncier qui a traversé cette période atteste de sa « rigueur morale » : « Il a toujours été courtois et transparent… autant qu’il pouvait l’être. » Logiquement, dans l’esprit de ce syndicaliste, Bruno Deletré est avant tout un « gestionnaire financier ». « Il est brillant intellectuellement, mais il n’est pas perçu comme un développeur « , indique-t-il.

A Strasbourg, Bruno Deletré devra désormais prouver le contraire. A la tête de la Caisse d’Epargne d’Alsace, qui doit se rapprocher de la Caisses d’Epargne de Lorraine-Champagne-Ardenne, il s’est certes vu confier une mission de restructuration et de productivité, mais aussi un défi de croissance. Sur ces terres, qui constituent le pré carré historique d’un autre groupe mutualiste, il sera en concurrence frontale avec le Crédit Mutuel – dirigé par un autre inspecteur des finances qu’il a bien connu à Bercy, Nicolas Théry.