Anne Dutriez travaille la confiture, sans le moindre pépin

0

DE NOTRE CORRESPONDANT À NANCY. Depuis le XIVe siècle, la recette de la confiture de groseilles épépinées à la plume d’oie n’a pas varié. A vingt-cinq ans, Anne Dutriez, à Bar-le-Duc, a décidé de poursuivre la fabrication de ce « caviar » de groseille.

Chaque été, depuis cinq ans, Anne Dutriez renoue avec des gestes ancestraux transmis par son grand-père, Jacques, et qui remontent au XIVe siècle. Et il en va ainsi à Bar-le-Duc, dans la Meuse, pour produire « le caviar de groseille « . Une confiture de ce fruit, rouge ou blanc, dont le moindre pépin a été ôté minutieusement avec une plume d’oie taillée en biseau, puis mise à détremper dans de l’eau. Les grappes sont manipulées délicatement par la queue afin de détacher chaque grain avec une paire de ciseaux. Puis, un à un, les grains sont saisis entre le pouce et l’index par l’épépineuse qui, avec sa plume d’oie, déflore la peau du fruit sous le pédoncule pour extraire les pépins sans endommager ni la peau ni le fruit. Ceux-ci sont extraits un à un en les faisant glisser dans la hampe creuse de la plume. L’entaille est alors recouverte avec le lambeau de peau afin de préserver le croquant et la saveur du fruit. Une bonne ouvrière peut ainsi épépiner jusqu’à 2 kilogrammes de groseilles par jour. Seules, aujourd’hui, quelques personnes expertes peuvent effectuer cette opération sans abîmer le fruit. Les grains sont ensuite jetés dans un sirop de sucre brûlant, procédé secret qui garde intacte la groseille avec toute sa saveur et sa couleur claire. « Dès mon enfance j’ai été « baignée » dans cette confiture de groseille et pendant mon adolescence, à chaque vacance estivale, j’aidais mon grand-père, qui avait repris une entreprise artisanale, A La Lorraine, créée en 1879. Lorsqu’en 2001, je lui ai succédé, il m’a transmis son secret de fabrication », rappelle la jeune femme qui a alors vingt et un ans et a suivi une première année de faculté de médecine et une année de naturothérapie. « La passion a été la plus forte et je ne voulais pas laisser tomber dans l’oubli cette tradition qui fait la réputation de Bar-le-Duc qui comptait encore une quarantaine de confitureries au début du siècle passé. Je suis à la tête de la dernière », insiste Anne Dutriez qui, parallèlement à la vente de ses produits, distribue d’autres « douceurs de Meuse », telles que les madeleines de Commercy ou les dragées de Verdun. Depuis cinq ans, elle travaille seule _ soutenue par ses proches et aidée chaque saison par une demi-douzaine d’épépineuses _ pour produire annuellement 6.000 pots (de 85 grammes) de confiture, vendus exclusivement dans les épiceries fines en France et à l’étranger, notamment aux Etats-Unis, en Allemagne et au Japon, entre 15 et 40 euros l’unité. Marginalement, l’entreprise commercialise aussi ses produits en ligne. « Toutes les opérations, de la cueillette des fruits à l’étiquetage des pots, sont effectuées entièrement à la main », poursuit la jeune confiseuse qui assure aussi seule la gestion commerciale, logistique et administrative de son activité. La plus ancienne mention connue des confitures de groseilles épépinées à la plume d’oie date de 1344. A cette époque, la noblesse et la bourgeoisie ont pour usage, lorsqu’un parti a gagné un procès, de remercier les juges par quelques verrines de confiture. Cette gourmandise ravit les palais délicats depuis près de sept cents ans. Déjà en 1559, Marie Stuart, reine d’Ecosse, dont la mère était native de Bar-le-Duc, qui reçut de ces confitures en présent, les compara à un « rayon de soleil dans un pot ». Hitchcock en raffolait et exigeait que les hôtels où il descendait lui en servent un pot au petit déjeuner. « J’aimerais tant trouver un nouvel ambassadeur de cette qualité « , rêve Anne Dutriez.

@pascalambrosiSuivre

Site : www.groseille.com Depuis cinq ans, Anne Dutriez travaille seule _ soutenue par ses proches et aidée chaque saison par une demi-douzaine d’épépineuses _ pour produire annuellement 6.000 pots (de 85 grammes) de confiture.