Boeing veut reprendre les commandes de vol à ses fournisseurs

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Malgré des carnets de commandes et des livraisons record, la lutte sourde entre les avionneurs et les équipementiers pour la plus grosse part du gâteau, est loin de s’appaiser. Dernière illustration en date : la décision de Boeing de recréer en interne une entité dédiée à la conception et la fabrication d’avionique. A savoir l’ensemble des équipements électroniques permettant de piloter les avions.

Une pierre de plus dans le jardin des équipementiers

Annoncée lundi soir en interne, le lancement de Boeing Avionics est présenté par le Pdg, Dennis Muilenburg, comme un moyen de « réduire les coûts et d’augmenter la valeur pour nos clients ». Une formule classique qui recoupe les deux priorités stratégiques de Boeing  : l’amélioration de sa compétitivité face à Airbus et la réussite de la montée en cadence. Mais c’est aussi une pierre de plus dans le jardin des grands équipementiers américains, comme Honeywell et Rockwell Collins, qui fournissent aujourd’hui l’avionique des Boeing. A Wall Street, le cours de bourse de ce dernier a d’ailleurs perdu 6,3 % lundi.

Des marges plus élevées que celles des avionneurs

L’impact réel de Boeing Avionics, qui montera progressivement à 600 salariés d’ici à 2019, restera probablement modeste. Mais cette initiative de Boeing s’ajoutent à d’autres efforts de Boeing et d’Airbus pour tenter de réduire la part du gâteau de leur principaux fournisseurs, dont les marges restent nettement plus élevées que les leurs. Alors que les deux avionneurs peinent à atteindre 10 % de marge, les grands équipementiers se situent couramment autour de 15 %. Depuis trois ans, Airbus et Boeing se sont efforcés d’imposer des baisses de prix, de 10 % à 15 % à leurs fournisseurs, en utilisant l’argument des hausses de cadence de production. Mais dans le cas de Boeing, c’est bien d’un véritable revirement stratégique dont il s’agit, après des années d’externalisation de ses activités.

L’externatisatoon a outrance a échoué

L’avionique fait en effet partie des activités dont Boeing s’est délesté au cours de 20 dernières années, au profit des grands équipements américains comme Rockwell Collins, UTC et Honeywell. Cette stratégie d’externalisation avait atteint son pic en 2006, avec le lancement du programme 787. Pour financer à moindre coût son nouveau biréacteur long-courrier en fibres de carbone, Boeing avait délégué des pans entiers du programme à des équipementiers, qui acceptaient de prendre en charge une partie du développement et des coûts. Au total, 80 % du programme avait ainsi été sous-traités à des partenaires situés dans une dizaine de pays. Mais ce choix stratégique, érigé en nouveau modèle économique par Boeing, s’est finalement révélé désastreux industriellement et financièrement, en contribuant largement aux trois ans de retard pris par le 787.

Le virage stratégique du nouveau PDG

Dès 2009, Boeing avait commencé à revenir sur sa stratégie en rachetant le part de son partenaire italien Alenia (aujourd’hui Leonardo) dans le site de Charleston. Mais c’est avec l’arrivée de Dennis Muilenburg aux commandes, en 2015, que Boeing est véritablement passé à une nouvelle stratégie d’intégration verticale, allant même au delà du modèle original. La décision la plus significative en ce sens est la création cette année, d’une nouvelle division Global services, chargée de regrouper et surtout développer les activités d’après-vente – maintenance et pièces de rechange – dans l’aéronautique civile, le militaire et le spatial. Avec l’objectif de porter de 14 à 50 milliards de dollars le chiffre d’affaires de Boeing sur ce marché d’ici 10 ans. Quitte à concurrencer les partenaires équipementiers, ayant placé la deuxième monte au coeur de leur modèle économique. Et même des compagnies aériennes comme Air France-KLM, pour qui la maintenance est une activité juteuse.

Consolidation chez les équipementiers

Face à Boeing et Airbus, les grands équipementiers s’efforcent d’accroître leur puissance, en multipliant les opérations de consolidation. En 2012, United Technologies a ainsi absorbé l’équipementier Goodrich, donnant naissance au premier équipementier mondial, avec un chiffre d’affaires de 25,4 milliards de dollars, rien que dans l’aéronautique. En 2016, United Technologies, a tenté sans succès de mettre la main sur Honeywell. La même année, Rockwell Collins a bouclé le rachat de B/E Aerospace, pour 8,3 milliards de dollars, tandis qu’en Europe, Safran a lancé une offre d’achat sur Zodiac.