Décryptage du contrat précaire d’Amazon

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L’e-commerçant prévoit d’embaucher des livreurs à la tâche. Sans couverture sociale, ces employés ne seront pas assurés non plus.

Amazon lance Flex, un service de livreurs contractuels, payés à la tâche, qui permettra de déposer les colis urgents sur le fameux « dernier kilomètre « . « Devenez votre propre chef : livrez quand vous voulez, autant que vous voulez « , vante le site du distributeur, qui va tester ce nouveau contrat précaire dans sa ville d’origine, Seattle, avant de l’étendre à certaines agglomérations. En échange d’une rémunération de 18 à 25 dollars l’heure, ces livreurs s’engagent sur des créneaux horaires journaliers de deux, quatre ou huit heures de travail, mais ne disposent d’aucune couverture sociale, ni même du remboursement de leurs frais, puisque l’assurance du véhicule et l’essence sont à leur charge… Osée, cette initiative – qui fait écho au modèle d’Uber – est-elle exportable en France ?

C’est exclu, selon Camille-Frédéric Pradel, associé du cabinet Pradel : « Si un lien de subordination est établi lors de la mise en oeuvre des tâches confiées, un tel contrat se verrait automatiquement requalifié en France en contrat de travail à temps plein et à durée indéterminée avec tous les droits et obligations afférents (rappel de salaires, Sécurité sociale, complémentaire, assurance chômage, retraite, etc.). » Sans oublier les sanctions pénales car la non-déclaration des heures de travail est une dissimulation, sanctionnée par l’Etat, l’inspection du travail et l’Ursaff.

Pas en France

C’est évidemment en surfant sur le succès des statuts d’autoentrepreneur et de free-lance qu’Amazon a imaginé ce statut, plutôt courant outre-Atlantique. « En France aussi, la frontière est ténue entre le travailleur indépendant, rémunéré au forfait ou à la prestation, et le salarié payé à l’heure, tous deux se rendant disponibles, selon un délai de prévenance réduit, pour un volume d’heures variable « , reconnaît Sébastien Le Coeur, avocat associé chez MGG Legal. Toutefois, si, aux Etats-Unis, Amazon joue sur cette confusion, en France, le distributeur ne pourrait s’y aventurer. « Par nature, le prestataire indépendant jouit d’une liberté, celle de refuser une mission, sans encourir de sanction, et c’est toute la différence avec le cadre décrit », estime Camille-Frédéric Pradel. En France, le transport routier emploie également des artisans indépendants, selon les besoins, à la tâche, mais ces modes de collaboration sont souvent requalifiés en contrat de travail « une fois apportée la preuve de leur intégration étroite au service et de leur dépendance économique « , conclut Sébastien Le Coeur.

Marie-Sophie Ramspacher