Habemus viridem Papam

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Rush Limbaugh, star de la radio américaine : « Ce pape est un marxiste ! «  Peggy Noonan, éditorialiste du « Wall Street Journal » : « L’Eglise est en train de refaire la même erreur qu’avec Galilée il y a 400 ans ». Greg Gutfeld, Fox News : « Le pape est l’homme le plus dangereux de la planète. « 

Les masques sont vite tombés après la publication de ce qui est déjà le best-seller planétaire de l’été : l’Encyclique Laudato Si du pape François, sur l’environnement.

Alors que les aficionados du Tea Party américain éructent leur haine vis-à-vis du très réformateur chef de l’Eglise catholique, ce texte de 192 pages a déjà produit un premier miracle… en France. Pour la première fois depuis très longtemps, les écologistes se sont mis à reparler… d’écologie ! Le temps d’une apparition – médiatique -, les Verts ont donc salué « un texte vraiment très fort », les distrayant de leurs cuisines politiciennes usuelles, et de la mesure phare de leur programme économique et social, à savoir le traitement fumigène du chômage (les salles de shoot).

Dans le monde occidental, les leaders politiques saluent la force et la pertinence de ce texte, opportunément publié six mois avant la conférence pour le climat à Paris, renforçant de facto l’importance de cet événement.

Que dit ce texte, qui s’adresse non pas aux seuls catholiques, mais « à chaque personne qui habite cette planète «  ? Essentiellement que la « maison commune «  est en train de brûler, du fait du modèle économique et social dominant aujourd’hui, fondé sur le consumérisme à outrance.

Après un diagnostic difficilement attaquable, sauf par la secte des climatosceptiques, le pape François ferme quelques-unes des fausses pistes empruntées par différents pays depuis l’après-guerre. D’abord le communisme, identifié comme un de ces « régimes totalitaires au service de l’extermination de millions de personnes « . Tant pis pour ceux qui voyaient dans ce pape argentin un « pape rouge « .

Ensuite, l’idée selon laquelle les humains seraient trop nombreux pour cette petite planète, et qu’il faudrait donc instaurer le contrôle des naissances – telle la politique barbare de l’enfant unique en Chine – ou encourager l’euthanasie des personnes âgées. « On prétend légitimer ainsi le modèle de distribution actuel où une minorité se croit le droit de consommer dans une proportion qu’il serait impossible de généraliser, parce que la planète ne pourrait même pas contenir les déchets d’une telle consommation. »

Le mot « déchet  » apparaît 27 fois dans cette encyclique. Il existe en effet dans nos économies et sociétés une « culture du déchet » qui va jusqu’aux pays et aux êtres humains eux-mêmes : ceux qui ne seraient plus assez « compétitifs », et qu’il faudrait sortir de la communauté. Il est donc grand temps de mettre en place une « écologie humaine ». Non pas un fétichisme de la nature au détriment des êtres humains, mais bien une inversion des priorités. Il s’agit désormais d’entendre « aussi bien le cri de la terre que celui des hommes » : le cri de la terre dont nous pillons les ressources limitées, et celui des hommes que nous excluons du développement. Les exclus, qui « représentent la majorité de la planète, des milliards de personnes. S’ils sont cités dans les débats politiques et économiques internationaux, c’est comme une question subalterne « .

Le pape ne s’arrête pas aux principes. Il rentre dans le dur et le vif du sujet. Ainsi est-il urgent de réduire les émissions de CO2 « en remplaçant l’utilisation de combustibles fossiles et en accroissant des sources d’énergie renouvelable « . Les lobbys du pétrole apprécieront. Enfin, en antidote à notre surconsommation qui pille la planète, le pape fait l’éloge de la « sobriété »,« car ceux qui jouissent plus et vivent mieux chaque moment sont ceux qui cessent de picorer ici et là en cherchant toujours ce qu’ils n’ont pas. «  Les enseignes de commerce apprécieront tout autant.

Par ailleurs, soulignant la « dette écologique «  des pays du Nord envers les pays du Sud (même si les grands pollueurs tels que l’Inde et la Chine n’ont rien à envier aux pays du Nord dans ce registre), le pape va jusqu’à recommander « une certaine décroissance dans quelques parties du monde, mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en d’autres parties « .

Fin septembre, le pape François va porter ce message d’un « New Deal  » économique, écologique et social, à l’ONU et au Congrès américain. Il va ainsi influencer voire dominer l’agenda politique international jusqu’à la conférence de Paris. Dans cette séquence, les voix dissonantes sont révélatrices. Ainsi du catholique Jeb Bush, candidat des républicains à la présidentielle américaine, soutenu par les industriels du pétrole, qui rejette les propositions du pape François en révélant qu’il « ne va pas à la messe pour entendre parler économie ou politique « . Plutôt pour entendre de belles histoires. Ce masque-là est tombé.

Plus près de nous, en France, alors que l’écologie peut être considérée comme une valeur de droite (la conservation, la gestion économe, l’optimisation des ressources), une réaction à cette encyclique ne laisse pas d’étonner. Celle des Républicains, justement. Pas un mot sur ce sujet central, d’avenir, concernant toutes les générations, susceptible de fédérer les adhésions et les énergies de façon un peu plus positive que la compétition avec le Front national.

Ce masque-là aussi est en train de tomber. Faute d’avoir travaillé le sujet, la droite française est en train de délaisser ce thème porteur à la majorité actuelle. Ce serait, pour cette dernière, une… bénédiction.

Edouard Tétreau

Edouard Tétreau est associé gérant de Mediafin, www.edouardtetreau.com