La taxe imposée à l’opérateur historique inquiète ses concurrents

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Décidément, il est périlleux de réformer la fiscalité en France. La nouvelle taxe carbone a récemment été retoquée par le Conseil constitutionnel. Et voici qu’à présent les opérateurs télécoms contestent un nouveau prélèvement fiscal visant France Télécom et censé combler le manque à gagner pour l’Etat représenté par la disparition de la taxe professionnelle (TP).

Cet Ifer – pour « impôt forfaitaire sur les entreprises de réseau » -risque en effet de coûter cher aux concurrents de l’opérateur historique. Le régulateur des télécoms, l’Arcep, a fait remonter le problème à Bercy en fin de semaine dernière. Objectif : obtenir la révision de ce nouveau dispositif fiscal qui les touche par ricochet. Mais quelle mouche a donc piqué SFR et Free pour voler ainsi à la rescousse de leur vieux rival accablé d’impôts ?

A vrai dire, France Télécom montre moins d’empressement que ses deux concurrents pour faire modifier la loi. Car le groupe a fait ses calculs : cette nouvelle taxe qui porte sur les lignes de cuivre, d’un montant de 1 euro par mois par ligne active, lui coûtera 384 millions d’euros par an. Mais l’opérateur, qui loue son précieux réseau à Free, à SFR et, dans une moindre mesure, à d’autres opérateurs comme Numericable (Completel), compte bien les mettre à contribution. Il veut répercuter le montant total de la taxe sur les tarifs de gros du dégroupage, qui sont régulés, c’est-à-dire contrôlés a posteriori par l’Arcep. France Télécom compte ainsi soustraire de sa propre facture près de 88 millions d’euros par an, soit 1 euro par mois pour chacune des 7,3 millions de lignes en dégroupage… ce qui suscite évidemment un tir de barrage de la part de ses clients opérateurs.

Bercy n’a pas vu le coup venir
France Télécom se plaignait encore, fin décembre, d’avoir troqué une taxe déclinante, car assise sur d’énormes investissements du passé en voie d’amortissement, pour deux nouvelles taxes en plein essor. Mais, en répercutant une partie des coûts, France Télécom a l’impression que justice lui est rendue. Free et SFR voient évidemment les choses d’un autre oeil : jusque-là assez peu affectés par la TP, ils vont d’un coup voir leur revenu amputé d’une quarantaine de millions d’euros. Les deux grands alternatifs vont voir s’envoler vers le fisc l’équivalent en espèces sonnantes et trébuchantes de 8.000 à 10.000 prises pour raccorder les foyers en fibre optique. S’il veut maintenir cette nouvelle taxe sur le réseau de France Télécom, il va falloir que le gouvernement explique pourquoi, d’une main, il donne 2 milliards d’euros pour déployer le très haut débit en France, et de l’autre, il crée de nouveaux impôts visant indirectement les opérateurs alternatifs. Ce n’était pas l’esprit de la réforme de la TP. Elle ne devait pas susciter d’effets d’aubaine, mais pas non plus engendrer de pénalités. Bercy n’a pas vu le coup venir et le regrette. En attendant un arbitrage définitif sur ce dossier, France Télécom n’a pas encore publié ses nouveaux tarifs de gros.

S. G.