« Le défi d’Hyperloop ? Pas la technologie, l’organisation »

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Dirk Ahlborn, vous avez recruté des ingénieurs toujours en poste chez Boeing, Airbus ou à la Nasa. Comment avez-vous fait naître cette organisation inédite ?

Notre structure est unique au monde. En 2013, quand Elon Musk a présenté l’Hyperloop, je venais de lancer un site Internet, JumpStartFund, qui permet aux entrepreneurs de réunir une communauté de fans pour travailler en ligne sur une start-up. Je lui ai demandé la permission de réunir une communauté autour d’Hyperloop. Très vite, nous étions nombreux à réfléchir à ce projet fou de relier San Francisco à Los Angeles en 30 minutes. L’engouement a été tel que j’ai vite créé une entreprise dédiée à ce projet, Hyperloop Transportation Technology (HTT). Chaque personne qui s’engage, par contrat, à travailler plus de dix heures par semaine est rémunérée en stock-option. Nous avons eu 200 candidats. Leurs employeurs sont tous au courant et certains nouent des partenariats avec nous.

Comment motiver des collaborateurs qui seront payés dans plusieurs années ?

Un projet aussi ambitieux attire automatiquement les meilleurs profils, des personnes passionnées et volontaires. Aujourd’hui, sur 450 personnes seulement 4 sont salariées. Une vingtaine de personnes travaillent depuis nos bureaux de Los Angeles, très peu sont à temps plein. Les autres sont en Chine, en Australie, en Europe, en Inde ou ailleurs aux Etats-Unis. Tous ne sont pas ingénieurs : certains sont en charge de la communication, d’autres des finances. Notre grand défi n’est pas technologique, c’est l’organisation.

Comment managez-vous l’innovation ?

Nous avons 43 équipes de 4 à 7 collaborateurs maximum. Nous créons notre propre process de management, très inspiré par la méthode Scrum des développeurs informatiques. Chaque équipe est assignée par la hiérarchie à une problématique qu’elle doit résoudre dans un délai très court de deux semaines. Certains membres de la communauté travaillent seuls. La hiérarchie est là pour départager deux équipes qu’elle aura volontairement fait travailler sur le même problème. En effet, sur certains points, il est préférable qu’une équipe ne travaille pas seule. C’est important pour éviter que l’ingénieur charismatique impose sa méthode non seulement à son équipe mais aussi à toute l’entreprise, alors qu’un autre groupe aurait fait différemment, voire mieux.

Travaillez-vous avec Elon Musk ?

Non, Elon Musk n’est pas impliqué, tout comme il ne s’implique pas avec les autres entreprises qui ont répondu à son appel [ notamment Hyperloop Technology Inc, qui concurrence HTT, NDLR ]. Il est très occupé avec Tesla et SpaceX. Mon rôle est de présenter Hyperloop à travers le monde et de nouer des partenariats avec les grandes entreprises qui veulent nous aider. Tout le monde est fasciné par cette forme de transport à vitesse phénoménale. Mais le vrai challenge pour moi, c’est le business. Il faut imaginer les services autour de l’Hyperloop. Pour la première fois, un moyen de transport va produire de l’énergie, donc des revenus.

Vous avez envisagé d’entrer en Bourse. Qu’en pensent vos investisseurs ?

Les projets vraiment grands n’ont jamais de problème d’argent. D’ailleurs, ce n’est pas pour lever des fonds que nous réfléchissons à entrer en Bourse, mais parce que c’est, aux Etats-Unis, l’unique façon de faire participer financièrement notre communauté. Des investisseurs nous suivent déjà, nous ne ferons pas de roadshow. Ils ne doutent pas que les retours soient rapides. Sur la ligne San Francisco-Los Angeles, nous serions rentables huit ans après la mise en circulation pour un billet à 30 dollars. On pourrait transporter jusqu’à 3.000 personnes par heure.

Peut-on imaginer Hyperloop en France ?

Nous allons commencer en 2016 la construction d’un premier tronçon test à Quay Valley (Californie), sur 8 kilomètres. Nous le faisons aux Etats-Unis car nous avons accès au terrain. Mais, à terme, la première ligne Hyperloop pourrait naître partout dans le monde. Nos marchés cibles sont la Chine, l’Inde, l’Indonésie, Singapour, le Moyen-Orient et l’Afrique.

Florian Dèbes