Les ventes de voitures électriques restent marginales

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L’explosion annoncée se fait attendre. Pourtant objet de toutes les attentions des constructeurs, la voiture électrique est loin de provoquer un raz de marée. Sur les six premiers mois de 2018, il s’est vendu en Europe 180.000 voitures à batterie lithium-ion (dont 85.500 entièrement électriques et 94.500 hybrides rechargeables), selon des données obtenues en exclusivité auprès du cabinet Jato Dynamics : un chiffre certes en hausse de 43 % par rapport à la même période de l’année précédente, mais qui représente à peine 2 % des immatriculations. Pas de quoi bouleverser le marché, alors queles constructeurs comptent sur les voitures à batterie pour atteindre les objectifs CO2 assignés par Bruxelles.

Engorgements de production

« On aurait pu s’attendre à des chiffres plus élevés « , convient Felipe Munoz, analyste chez Jato. « La chute du diesel, qui s’est effondré en un an de 46 à 37 % des ventes, a avant tout été compensée par la hausse de l’essence, notamment sur les grands marchés européens, l’Allemagne, la France, le Royaume-uni, l’Italie, l’Espagne… «  Dans l’Hexagone, les ventes de voitures 100 % électriques ont atteint 14.381 unités entre janvier et juin, auxquelles s’ajoutent 6.495 hybrides rechargeables. Soit, un total de 20.876, représentant une hausse de 16 % par rapport à 2017 et une part de marché de 1,7 %.

« D’abord adopté par des utilisateurs précoces, le véhicule électrique voit sa croissance ralentir, un phénomène classique pour un produit technologique « , relève Cécile Goubet, secrétaire générale de l’Avere-France, l’Association pour le développement de la mobilité électrique. La modification des incitations fiscales (suppression des subventions pour l’hybride rechargeable, concurrence de la prime à la conversion) peut expliquer ce coup de mou, de même que les engorgements de production qui ont pu allonger les délais de livraison.

Pauvreté de l’offre

Mais les freins plus fondamentaux sont encore nombreux, même auprès d’une population a priori séduite. Vincent, cadre supérieur en région parisienne, a ainsi renoncé faute de solution de recharge. « Je cherchais une voiture moins polluante, mais je n’ai ni parking, ni borne publique près de chez moi : la question a vite été réglée ! » explique-t-il.

Au-delà même de l’insuffisance d’infrastructures, les conducteurs frustrés évoquent surtout la pauvreté de l’offre. C’est en tout cas ce qui a freiné Christophe, un Parisien soucieux de son environnement mais pas militant, lorsqu’il a changé de voiture il y a deux ans. « Je voulais vraiment une électrique ou une hybride rechargeable : c’est l’avenir ! « , témoigne-t-il. « Mais j’avais besoin d’une grande voiture. Or la Renault ZOE n’a que quatre places, et les hybrides rechargeables alors disponibles n’étaient vraiment pas sexy… « 

Autonomie croissante

Plus récemment, Pierre, pourtant lui écolo convaincu, a aussi renoncé à l’électrique pour sa voiture familiale, faute de choix. « L’hybride rechargeable correspondait parfaitement à mes besoins : je travaille à 7 kilomètres de chez moi, j’aurais donc roulé en électrique au quotidien, tout en bénéficiant de l’autonomie du moteur thermique pour les week-ends ou les vacances. J’étais même prêt à renoncer à acheter français ! Mais toutes les voitures que j’ai essayées étaient trop petites », explique cet ingénieur, qui habite près de Pau.

L’arrivée des premiers SUV électriques dans les mois à venir changera-t-elle la donne ? « Quasiment tous les freins sont en train d’être levés : le maillage du territoire en bornes de recharges s’étend énormément, de nouveaux modèles seront lancés entre 2019 et 2020 et l’autonomie devrait passer dès l’an prochain à 600 kilomètres », insiste Cécile Goubet. En France, la filière auto table sur 150.000 ventes de véhicules électriques en 2022. Soit cinq fois plus que l’an dernier.