Lionel Stoléru, le « père » du RMI s’est éteint

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Il avait été ministre de Valéry Giscard d’Estaing mais aussi de son rival, François Mitterrand. Mercredi soir, Lionel Stoléru s’est éteint à Paris. Il venait de fêter, le 22 novembre, ses soixante-dix-neuf ans.

Né à Nantes dans une famille d’origine roumaine, ce polytechnicien, sorti vice-major de sa promotion et passé par le corps des Mines, avait décroché, en 1962, un doctorat en économie de l’université Stanford, avant d’entamer une brillante carrière politique, longue de plus de quarante ans. Non sans enseigner, à ses heures perdues, l’économie à l’X (de 1968 à 2002), puis à l’Ecole des mines de Paris.

Après un bref passage au Crédit Lyonnais, il fait ses premiers pas sous les ors de la République en 1969, comme conseiller de Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre de l’Economie et des Finances. Et dès le 19 mai 1974, Lionel Stoléru rejoint le gouvernement de Raymond Barre, en tant que secrétaire d’Etat chargé de la condition des travailleurs manuels. Il devient, quatre ans plus tard et jusqu’en 1981, secrétaire d’Etat chargé des travailleurs manuels et immigrés. Là, il crée notamment, en 1977, une prime au retour des travailleurs immigrés d’un montant de 10.000 francs : le « million Stoléru » est né.

Opposant implacable au Front national de Jean-Marie Le Pen, il claque, en 1985, la porte du Parti républicain de François Léotard, dont il dénonce « la dérive droitière « . Plus tard, il sera un symbole de l’ouverture au centre, en devenant ministre de François Mitterrand. Nommé en 1988 secrétaire d’Etat chargé du Plan auprès du Premier ministre, Michel Rocard, il lancera à ses côtés le revenu minimum d’insertion, RMI, ancêtre du RSA. « La frontière droite-gauche ne sépare pas les bons et les méchants. Les méchants, ce sont les intolérants », avait-il, un jour, confié à la presse. Européen convaincu, et candidat malheureux dans les Vosges, il sera élu dans l’Oise en 1988, député « majorité présidentielle «  soutenu par le Parti socialiste. Et battu, en 1993, sous la bannière Génération Ecologie.

Jeudi, François Bayrou, président du Modem, a salué « un homme de créativité et de haute compétence (…) attaché à l’idée que l’on pouvait organiser la société française de manière à la rendre plus juste et plus efficace. «  Car jamais Lionel Stoléru n’est resté inactif. « Certains attendent tout de la vie et, arrivés au terme, s’étonnent de n’en rien avoir reçu. D’autres, au contraire, comprennent qu’il faut donner à la vie pour en recevoir quelque chose, et donnent alors un sens à leur parcours », avait écrit Lionel Stoléru dans son ouvrage « La vie, c’est quoi, Monsieur le ministre ?  » paru chez Plon en 2003.

Lui, fut le président de la Chambre de commerce France-Israël, celui du Conseil d’analyse économique (CAE) ou encore du Génépi, (pour la réinsertion des détenus). Il sera l’ami de Simone Veil et l’auteur de moult ouvrages. Et lors de la transition de l’ex-Union soviétique vers une économie de marché, il deviendra le conseiller du Premier ministre roumain, Petre Roman, puis du président d’Ukraine, Leonid Kravtchouk. Il travaille même, un temps, avec le magnat de la presse Robert Maxwell, qui le sacre rédacteur en chef de son journal « The European ». Régulièrement, il prend aussi la plume dans les journaux français, sur l’économie mondiale, la dérégulation, le prix de l’essence ou les exclus… Tandis que Nicolas Sarkozy lui confie des missions sur les PME puis sur le commerce Orient-Occident. (Dans ses pas, sa fille unique, Emmanuelle Wargon fera d’abord une carrière dans la haute fonction publique avant de rejoindre Danone.)

Mais à la rigueur de l’économie et à la dureté de la politique, ce pianiste émérite, chef d’orchestre sensible, allie une âme d’artiste. Grand admirateur de César Franck et de Giulini depuis l’enfance, Lionel Stoléru, qui disait parfois regretter d’avoir privilégié l’économie plutôt que la musique, a aussi dirigé plusieurs orchestres en Europe, dont l’Orchestre d’Ukraine, avant de créer l’Orchestre romantique européen en 1996. Jeudi, François Hollande a salué « la mémoire de cet homme d’ouverture dont la pensée était aussi libre que féconde ».

@LauranceNKaouaSuivre