Canal+ accélère sur YouTube en s’offrant Studio Bagel

0

EXCLUSIF – Le groupe de télévision s’octroie 60% de la première chaîne YouTube française, leader du genre humoristique. Il mise sur cet « incubateur de talents » pour devenir un acteur significatif de l’Internet ouvert.

Quelques mois après le lancement de seize chaînes sur YouTube, Canal+ récidive. Cette fois-ci en rachetant le leader français du genre humoristique : Studio Bagel. La chaîne cryptée prend précisément 60% de cette chaîne YouTube pour un montant non dévoilé, mais qui s’élèverait à quelques millions d’euros. Les deux partenaires se connaissent déjà : Studio Bagel produit en effet « Les Tutos  » ou encore « Le Dézapping du Before « , deux chaînes YouTube de Canal+.

Outre le succès que connaît Studio Bagel (lire ci-contre), ce qui a attiré la chaîne cryptée, c’est le savoir-faire en matière de création de nouveaux talents. « On est convaincus depuis des années que ce qui fait la différence entre les groupes de médias, ce sont les talents « , qui « peuvent venir grandir au sein de notre groupe et irriguer nos chaînes, nos sociétés de production « , affirme Rodolphe Belmer, le patron de Canal+. Les chaînes YouTube de Canal+ totalisent 40 millions de vidéos vues par mois.

Depuis plusieurs mois, le groupe se montre très volontariste dans l’univers OTT – services donnant un accès à Internet direct, sans passer par les box des opérateurs télécoms -, où gravitent des acteurs type Google TV, Apple TV ou encore Netflix. Canal+ a notamment pris un peu moins de 5 % du capital de Maker Studios, l’un des plus gros réseaux de chaînes YouTube au monde. Objectif : apprendre le métier en étant au coeur de l’écosystème aux Etats-Unis.« On voit, à travers l’OTT, l’émergence d’un mode de consommation audiovisuelle fondé sur la consommation à la demande, en mobilité et surtout individuelle. Cela nous intéresse d’embrasser cette forme de consommation qui est une nouvelle forme de divertissement audiovisuel, en particulier pour les jeunes « , affirme Rodolphe Belmer. « On ne sait pas encore si cela peut constituer un relais de croissance significatif, mais on l’envisage.  »

En attendant Netflix

Ce qui est certain, c’est qu’un nouvel écosystème se dessine, dont Canal+ entend être un acteur significatif. Avec non seulement ses chaînes YouTube mais aussi des offres payantes, type CanalPlay (400.000 abonnés), qui propose films et séries en accès illimité pour 6,99 euros par mois. Un futur concurrent pour Netflix, qui cartonne aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, et dont l’arrivée est annoncée, en France, avant la fin de l’année. Quid de Canal+, que certains observateurs disent menacé par le débarquement du géant américain?

« On ne considère pas Netflix comme un concurrent frontal de Canal+. Netflix comprend  8 % de « programmes frais » et 92 % de programmes « non frais ». Canal+, c’est 100 % de « programmes frais » et premium. Aux Etats-Unis, où Netflix connaît un succès indiscutable, HBO n’a pas perdu d’abonnés ! « , rétorque Rodolphe Belmer. « Netflix peut être un concurrent indirect pour Canal+, concède-t-il cependant, car il s’agit d’une offre peu chère, autour de 10 euros.Sa venue va accroître l’exigence qui nous est faite de proposer des programmes exceptionnels aux Français. Et ce, pour continuer à convaincre le téléspectateur que notre chaîne est l’incarnation du haut de gamme de l’audiovisuel, et non un concurrent de Netflix. « 

Studio Bagel, une ascension fulgurante

Le succès aura été fulgurant pour Studio Bagel. Lancée au démarrage des chaînes officielles YouTube il y a un an et demi, la structure a été créée par The Social Company, du producteur Lorenzo Benedetti, et co-produite avec Black Dynamite, la société de production d’Eric Hannezo et Guillaume Lacroix (ex-TF1). Au départ : une seule chaîne sur YouTube, qui met en ligne deux ou trois vidéos courtes par semaine et réunit quelques talents montants de l’humour. Certaines font mouche, et le concept séduit les jeunes. En moins de six mois, la chaîne réunit plus de 500.000 abonnés et totalise près de 40 millions de vidéos vues. Ce succès attire les chaînes de télévision.

A la rentrée dernière, Canal+ confie à Studio Bagel plusieurs programmes humoristiques, pour « Le Grand Journal  » et « Le Before ». Certains deviennent de vrais phénomènes, à la télévision mais aussi sur le Net, la société s’étant fait une spécialité des contenus viraux. Pour chaque programme, elle crée une nouvelle chaîne, où les internautes peuvent regarder les vidéos qu’ils ont ratées à l’antenne. « Le Dézapping » ou « Les Tutos » touchent ainsi plusieurs millions de personnes. Et la société produit une douzaine de formats courts par semaine, soit une vingtaine de minutes.

Aujourd’hui, les chaînes de Studio Bagel comptent plus de 7 millions d’abonnés en cumulé et génèrent en moyenne 40 millions de vidéos vues par mois. Le chiffre d’affaires est ainsi réparti à parts égales entre les revenus publicitaires générés sur le Net, les contrats avec Canal+ et les opérations spéciales (vidéos publicitaires tournées pour des marques). Le tout pour une structure légère : cinq ou six personnes y travaillent en permanence et une vingtaine de personnes collaborent quotidiennement aux productions (techniciens, artistes, etc.)

« Canal+ va nous donner davantage de moyens, explique Lorenzo Benedetti, fondateur de Studio Bagel. Le groupe va nous accompagner à la fois sur le plan artistique et sur le plan commercial. Nous pourrons exprimer au maximum notre potentiel. «  La régie de Canal+ pourra ainsi commercialiser les espaces publicitaires et plusieurs projets sont d’ores et déjà prévus, comme l’ouverture d’un studio ouvert aux talents extérieurs,sur le modèle des studios YouTube de Londres et de Los Angeles, ou le lancement de la Bagel School, qui donnera des conseils en ligne aux artistes qui créent leurs propres vidéos.