Contre la fraude à la TVA, les commerçants devront s’équiper d’un logiciel sécurisé

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Phénomène complexe à chiffrer, la fraude à la TVA atteindrait 14 milliards d’euros en France, selon les dernières estimations de la Commission européenne. Face à cet important manque à gagner, le gouvernement vient d’annoncer deux nouvelles mesures. La première vise à lutter contre les pratiques de certaines entreprises consistant à cacher une partie de leurs recettes en espèces par l’utilisation d’un logiciel de caisse frauduleux. « Une des fraudes les plus coûteuses pour le Trésor, est-il précisé dans le projet de loi de Finances 2016. Tous les Etats sont aujourd’hui confrontés à ce phénomène et tentent d’y apporter une réponse appropriée. « 

Concrètement, un commerçant peut faire apparaître la TVA sur un ticket de caisse lors d’un paiement en espèces… sans la régler au Trésor Public. Et ce, en utilisant un système de caisse dit « frauduleux « .

Pertes fiscales

Les ministres des Finances et du Budget en ont rendu compte, ce jeudi, lors d’un déplacement dans un restaurant du 5è arrondissement de Paris, qui vient justement de s’équiper d’un logiciel sécurisé. « Nous sommes face à des situations où le consommateur paie la TVA mais le commerçant la conserve. C’est inadminissible vis-à-vis du client et de la société « , a déclaré Michel Sapin. Le manque à gagner ne se situe pas uniquement au niveau de la TVA, mais aussi de l’impôt sur les sociétés et des charges sociales. « Le détournement de la TVA peut nourrir le travail au noir « , avertit son homologue au Budget, Christian Eckert.

A combien s’élève les pertes fiscales pour l’Etat ? Difficile à chiffrer. « Le principe de la fraude, c’est qu’elle est cachée. Mais ce sont des sommes importantes « , a éludé Michel Sapin. L’Acedise, fédération qui représente les éditeurs de systèmes d’encaissement, estime la perte de recettes pour l’Etat à 3 milliards d’euros environ. « Il y a près de 600.000 commerces en France qui représentent 400 milliards d’encaissements. Près de 15 à 20 % se font en espèce. Sur ces montants, la fraude atteint parfois 30 % », estime Jean-Luc Baert, président de l’Acedise.

Pour y remédier, une première loi votée en 2013 avait déjà donné plus de moyens à l’administration fiscale pour repérer ces logiciels et sanctionner les éditeurs. Problème : « Cette fraude n’est pas facilement détectable lors d’un contrôle. Il faut analyser le logiciel en profondeur, explique Vincent Mazauric, directeur général adoint de la DGFIP. Il faut prouver que le commerçant utilise effectivement le logiciel frauduleux. «  D’où la volonté de Bercy d’aller plus loin.

Système de caisse sécurisé

Le projet de loi de Finances pour 2016 prévoit donc l’obligation de s’équiper d’un système de caisse sécurisé. Les commerçants devront être en mesure de présenter une homologation de la part d’une entreprise de certification, sans quoi elles risqueront une amende de 5.000 euros. Cette obligation entrerait en vigueur au 1er janvier 2018 pour donner le temps aux entrepreneurs de se mettre en règle.

La question est de savoir comment cette nouvelle contrainte sera perçue par les commerçants. Pour certains, la fraude est une question de survie. « Nous n’avons pas à rentrer dans ce débat politique, réagit Jean-Luc Baert de l’Acedise. S’il est vrai que les charges sont trop élevées, ce n’est pas à nous de soulever cette question. »

Le commerce en ligne mise en cause

Autre source d’évaporation de la TVA : le commerce en ligne. Les sénateurs se sont récemment penchés sur ce phénomène. Sans pouvoir le chiffrer, leur rapport avait souligné le fait que de nombreux sites d’e-commerce appliquent la TVA non pas du pays de destination de l’achat, mais du pays dans lequel ils sont implantés (généralement d’une fiscalité plus avantageuse que la France). Le gouvernement va donc abaisser le seuil de déclenchement de la TVA en France de 100.000 euros à 35.000 euros de ventes réalisées dans l’Hexagone. La France s’alignerait ainsi sur la plupart des pays européens.

Encore faudrait-il que les sites d’e-commerce se soumettent à cette obligation… Dans son rapport, le Sénat avait signalé que ce régime est peu utilisé et peu contrôlé. Seules 979 entreprises étrangères se sont déclarées à la Direction générale des finances publiques (DGFiP), alors qu’il existe environ 715.000 sites de vente en ligne en France !