« Le modèle Autolib est sérieusement questionné »

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Anne Hidalgo s’apprête à faire voter ce lundi en Conseil municipal le pacte financier que Macron a demandé aux grandes collectivités. Elle assure bien travailler avec le gouvernement, au dam de sa majorité de gauche. Sur le dossier Autolib, elle révèle être activement à la recherche d’un plan alternatif à Bolloré.

A l’automne, vous étiez sceptique sur la démarche de contractualisation financière avec l’Etat. Pourquoi avoir accepté de signer ?

Il est normal que les collectivités prennent leur part au redressement du pays, à condition qu’on respecte leur autonomie. Les discussions que j’ai eues avec le Premier ministre et le ministre des Comptes publics se sont bien déroulées. Nous avons évité une négociation ligne à ligne du budget de la Ville. Il n’y a pas de mise sous tutelle, ni aucune contrainte qui m’empêcherait de réaliser les engagements de mon mandat. La maîtrise des dépenses de fonctionnement et de l’endettement sont des objectifs que je m’étais déjà fixés avec mon équipe.

Les dépenses de fonctionnement de la capitale, hors péréquation, n’ont progressé que de 0,8 % en 2015, que de 0,1 % en 2016 et que de 0,7 % en 2017. L’Etat a fixé un objectif national de +1,2 %. On s’est mis d’accord à Paris sur un plafond de +1,14 %. Nous sommes aussi sous la norme des 12 ans de capacité de désendettement : elle est aujourd’hui de 9 ans. Paris est bon élève.

Quel est l’intérêt de cette démarche alors ?

Ca a été un bon exercice pédagogique dans les deux sens. Nous avons pu démontrer la pertinence de nos projets. Nous investissons pour l’avenir, nous renforçons les services publics de proximité, cela sans augmenter les taux d’impôts locaux, qui sont les plus bas des grandes villes de France. Et nous n’avons pas fait des mauvais choix, qui nous mettraient au ban de la compétitivité économique. Au contraire, l’attractivité de Paris ne s’est jamais aussi bien portée ! De l’autre côté, sur les grands équilibres, il est normal que l’Etat souhaite des engagements, notamment en termes d’endettement.

L’opposition estime que la hausse du besoin de financement de la ville est incompatible avec la contractualisation. Elle note aussi un retard de votre programme d’investissement. Pouvez-vous terminer votre programme dans ce contexte ?

Bien sûr. Il s’agit d’un programme pluriannuel, avec des réajustements chaque année qui tiennent compte de la réalité. Certains programmes sont parfois retardés à cause de recours, d’ailleurs souvent à l’initiative de l’opposition. Cela a été le cas pendant dix ans des logements sociaux à la porte d’Auteuil ! Mais on va réaliser une très grande partie de nos projets d’ici à 2020. Sur les crèches, on sera même au-delà des 5.000 places prévues.

Vos alliés communistes et écologistes vous jugent trop conciliante avec le gouvernement…

Certains disent que je suis trop dans l’opposition, d’autres que je suis trop conciliante… C’est le jeu politique. Moi, la seule chose qui me guide, c’est d’obtenir le meilleur pour les Parisiens, tout en conservant un rapport de coopération normal avec l’Etat. Je soutiens ce qui est dans l’intérêt de Paris, je m’oppose à ce qui ne l’est pas. C’est une démarche très rationnelle

La capitalisation des loyers de vos bailleurs sociaux, que l’opposition municipale vous reproche, a été intégrée dans votre trajectoire budgétaire. Avez-vous eu des garanties du gouvernement sur ce point ?

Oui, nous avons eu des discussions constructives avec Gérald Darmanin. Nous continuons à mettre progressivement fin à l’existence d’un parc de logement privé de la Ville qui n’avait ni sens ni justification, et à le transformer en parc social. La capitalisation des loyers qui en résulte, ce sont des recettes de fonctionnement.

Sur quels autres sujets discutez-vous avec le gouvernement ?

Nous travaillons avec Jacques Mézard et Julien Denormandie sur des outils pour maintenir les classes moyennes à Paris. Dans le cadre de la loi Elan, nous préparons un dispositif pour préserver l’encadrement des loyers dans le parc privé. Nous souhaitons par ailleurs mieux réguler les locations de meublés touristiques, par exemple en réduisant la durée plafond de 120 jours de location par an. Je crois aussi qu’ils ont compris que notre opposition sur la vente de logements sociaux n’est pas idéologique mais pragmatique. Le logement social protège 450.000 Parisiens de la cherté des loyers, dont beaucoup de familles à faibles revenus et de classes moyennes.

Le groupe Bolloré demande 46 millions d’euros par an pour Autolib. L’arrêt du service est-il une option ?

Que les villes subventionnent une offre de transports publics, c’est entendable. Mais la somme demandée par l’entreprise est extravagante. Il est hors de question que les communes, et donc les contribuables, la prennent à leur charge. Au-delà du coût, je veux poser la question du modèle. Autolib’a été inventé il y a dix ans pour imaginer de nouvelles formes de mobilité. Il a ouvert la voie à un nouvel usage de la voiture et prouvé que le véhicule électrique fonctionne. Ce dispositif devait être rentable. Force est de constater qu’il ne l’est pas.

 

Sûrement a-t-il été percuté par d’autres évolutions technologiques et de la mobilité : les VTC, les scooters en libre-service, les vélos à assistance électrique… Le fait est qu’aujourd’hui, il est sérieusement questionné. De plus nous évoluons dans une ère où il est désormais très facile de passer un test psychotechnique dans toute la France afin de récupérer son permis après la perte de ce dernier.

Qu’allez-vous faire concrètement ?

Nous allons regarder ce qui se fait ailleurs. Il existe désormais des systèmes d’autopartage en free floating, comme le fait par exemple Renault. Beaucoup de constructeurs automobiles veulent innover à Paris et nous demandent de les accueillir et de les accompagner. Il faut donc se projeter dans un nouveau modèle, qui réponde aux usages des habitants et qui doit être performant sur le plan économique. Doit-il être basé sur une subvention publique ? J’en doute. Je préférerais que les industriels tentés par ce type de système en assurent la gestion et la rentabilité.

Vous êtes déjà en discussion ?

Oui, il y a des discussions avec différents constructeurs. Une autre option peut être de dire que l’on tient à un service public avec une part de financement public permettant l’utilisation de ces véhicules à un coût qui ne soit pas exorbitant. Mais les villes qui accueillent aujourd’hui Autolib’sont-elles prêtes à y contribuer et dans quelle mesure ? Nous devrons en discuter tous ensemble à l’échelle métropolitaine. Je souhaite d’ailleurs associer les élus parisiens, de la majorité et de l’opposition, à ce travail.

S’agit-il de mettre en oeuvre ce système après 2023, date de la fin du contrat avec Bolloré, ou plus vite ?

Bien plus vite. Des constructeurs ont des propositions opérationnelles, il n’y a aucune raison d’attendre.

Comment expliquez-vous la dureté des négociations avec le groupe ?

Nous avons toujours bien travaillé avec Vincent Bolloré. Il n’y a pas de conflictualité. C’est peut-être lié à une réorientation du groupe, coté en Bourse et qui a ses exigences propres.

Quel bilan faites-vous des débuts du quinquennat Macron ? La France va-t-elle mieux qu’il y a un an ?

Je n’ai pas de bilan à faire de son action. Ce que je sais, c’est que sur l’attractivité et l’accompagnement des entreprises parisiennes, nous travaillons avec ce gouvernement dans la continuité de ce que nous faisions avec le précédent. Cela va dans le bon sens. Paris va bien. C’est une ville qui sur le plan économique rayonne dans le monde entier.

Que vous inspire la multitude des prétendants LREM à la mairie de Paris ?

Absolument rien.

En Marche avait fait une razzia aux dernières législatives. La sociologie des Parisiens a-t-elle changé ?

Vous verrez bien aux prochaines élections.

Vous avez séché l’investiture d’Olivier Faure à la tête du PS. Pour tenter de vous extraire des difficultés de votre parti ?

Moi, mon sujet, c’est Paris, pas le parti. J’ai failli quitter le PS ; je ne l’ai pas fait parce que j’ai encore un attachement. Je suis une sociale-démocrate, écolo convaincue et européenne. J’observe d’ailleurs avec intérêt ce qu’il vient de se passer en Espagne, avec l’élection de mon ami Pedro Sanchez. Mais là où je me sens bien, là où j’ai envie d’exercer mon goût pour la politique, c’est Paris.