les députés LREM veulent agir vite

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Tombés aux oubliettes au sortir de la campagne présidentielle, les emplois francs ont refait surface avec le projet de budget pour 2018. Promesse phare d’Emmanuel Macron pour lutter contre le chômage dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV), la mesure s’assimile à l’ancien dispositif « prime PME « , mais ciblée sur les seuls habitant de ces zones défavorisées.

A ce stade, elle prévoit le versement de 5.000 euros maximum par an pour toute embauche en CDI ou en CDD de plus de six mois d’une personne résidant en QPV. Soit « l’équivalent d’une exonération de charges sociales sur la période, dans la limite de trois ans », avance l’exécutif. L’entrée en vigueur est prévue à compter de 2020. Un horizon trop lointain pour les députés LREM, qui veulent bousculer le calendrier visé, deux d’entre eux travaillant au dépôt d’un amendement pour démarrer dès l’année prochaine.

Aurélien Taché (Val-d’Oise) milite pour lancer sans attendre une expérimentation dans « au moins cinq agglomérations incluant au moins cinq QPV chacune », la généralisation intervenant deux ans plus tard. « Avec les 12 élèves par classe, les emplois francs constituent une mesure très importante pour ces quartiers », plaide-t-il, rappelant que le taux de chômage y atteint parfois 40 % (il y est de 26,4 % en moyenne).

Sacha Houlié (Vienne), lui, veut frapper encore plus fort avec une mise en oeuvre sans attendre à l’ensemble des QPV de France. A condition, bien sûr, que les crédits suivent. « Si ce n’est pas le cas, démarrer par une expérimentation fait quand même sens politiquement vis-à-vis des publics les plus éloignés de l’emploi », argumente-t-il. A défaut de précisions sur les critères précis d’obtention de la prime, le projet de loi de finances a avancé quelques chiffrages macroéconomiques : les emplois francs devraient « bénéficier «  à 150.000 recrutements par an pour un coût de 141 millions en 2020, 381 millions l’année suivante, et 508 millions en 2022.

Pour combien d’emplois nets créés à l’arrivée, compte tenu de l’effet d’aubaine qui accompagne ce genre de mesure ? En se basant sur les statistiques du ministère du Travail sur les emplois aidés dans le privé, qui montrent que huit embauches sur dix auraient eu lieu sans aide, on aboutit au chiffre de 30.000 par an.

Si l’on en juge par une note publiée fin juin par deux chercheurs de l’OFCE, Paul Bauchet et Pierre Madec, il semble en tout cas que le gouvernement a retenu la leçon de l’échec du quinquennant précédent. Beaucoup trop restrictive en termes de population éligible et concurrencée par d’autres aides plus avantageuses, l’expérience des emplois francs tentée par François Hollande s’était soldée par 280 signatures seulement sur les 2.000 visés.

La version Macron « semble dimensionnée pour toucher beaucoup plus de personnes et donc créer plus d’emplois « , avance Bruno Ducoudré, également économiste à l’OFCE. Autre point souligné par le chercheur : l’aide de 5.000 euros sera d’autant plus intéressante pour un employeur qu’elle viendra bien en plus des exonérations de charges au niveau du SMIC.

L’effet net sur l’emploi dépendra des conditions d’attribution de la prime, confirme Yannick L’Horty, professeur à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée, directeur de la fédération travail, emploi et politique publique du CNRS (TEPP). Ce qui ne l’empêche pas de louer l’esprit de la mesure. « Tous les dispositifs jusque-là ont visé la création d’emplois à proximité des personnes. Il faut faire l’inverse en déplaçant les personnes vers l’emploi « , argue-t-il, balayant le risque d’effet d’aubaine important, étant donné la discrimination dont souffrent les habitants des QPV.

@AlainRuelloSuivre