Apple relance la polémique sur l’optimisation fiscale des multinationales

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Parfaitement légal, mais néanmoins embarrassant. Au lendemain des révélations du « New York Times  » sur les tactiques d’optimisation fiscale d’Apple, la polémique enfle à Washington sur la réforme du régime d’imposition des multinationales américaines. Tandis que la chaîne Fox News de Rupert Murdoch conteste les méthodes de calcul du « New York Times », le sénateur républicain Tom Coburn s’est déclaré « furieux » à l’annonce de ces révélations et bien décidé à s’attaquer à la réforme des paradis fiscaux avec son collègue démocrate Carl Levin. Mais, selon les fiscalistes américains, la première capitalisation mondiale est loin d’être la seule à user de ces tactiques d’optimisation fiscale, la plupart des géants de la high-tech (Google, Yahoo!, Cisco, Dell…) étant soumis à des taux largement inférieurs à ceux de la moyenne des entreprises de l’indice S&P; 500.

Délocalisation des profits
« Apple acquitte un énorme montant d’impôts […] Au cours du premier semestre 2012, nos activités américaines ont généré presque 5 milliards de dollars de contributions fiscales au niveau fédéral ou local, ce qui fait de nous un des principaux contribuables américains », a répliqué, ce week-end, la société de Cupertino. Selon le « New York Times », qui a détaillé les manoeuvres utilisées par la société dirigée par Tim Cook pour minimiser son impôt, celle-ci aurait acquitté 3,3 milliards de dollars d’impôts sur les bénéfices en 2011, soit un taux d’imposition effectif de 9,8 % en 2011, contre 24 % pour Wal-Mart et un taux théorique maximal d’impôt sur les sociétés de 35 % aux Etats-Unis. En particulier, le groupe californien, dont le niveau de cash disponible a atteint 110 milliards de dollars au premier trimestre, transfère l’essentiel de ses profits américains à une filiale, Braeburn Capital, basée dans le Nevada, où l’impôt sur les bénéfices est nul. Elle utilise aussi plusieurs sociétés basées en Irlande, aux Pays-Bas, au Luxembourg et îles Vierges britanniques pour localiser ses profits à l’étranger. Au total, Apple alloue 70 % de ses bénéfices hors des Etats-Unis.

« En raison même de la nature de leurs activités, les entreprises de high-tech ont l’opportunité de transférer leurs profits, à la différence d’industries conventionnelles ou de sociétés de services dont les profits dérivent d’activités localisées aux Etats-Unis », explique Martin Sullivan, économiste de Tax Analysts. A titre d’exemple, selon les calculs des fiscalistes, Google a économisé plus de 3 milliards de dollars d’impôts entre 2007 et 2009 à travers un réseau de sociétés offshore, après avoir également transféré ses droits de propriété intellectuelle non américains à une filiale irlandaise en 2003.

Mais l’optimisation fiscale est loin de se limiter au secteur de la high tech. Déjà en 2011, le think tank Citizens for the Tax Justice avait révélé qu’une douzaine de multinationales américaines (GE, Dupont, Verizon, Boeing, FedEx, IBM…) échappent presque totalement à l’impôt sur les sociétés depuis 2008, grâce à des déductions fiscales (« corporate tax subsidies »). A l’exception d’Exxon Mobil et de Yahoo! dont les taux d’imposition effectifs respectifs ont été de 14,2 % et 8,7 % sur trois ans.

En jetant un coup de projecteur sur les pratiques fiscales d’Apple, le « New York Times  » a relancé le débat sur la réforme du Code fiscal américain. Tandis que Barack Obama milite pour la suppression des niches fiscales en contrepartie d’une réduction du taux d’imposition maximal des sociétés de 35 % à 28 %, Mitt Romney souhaite de son côté le ramener à 25 %.

PIERRE DE GASQUET – BUREAU DE NEW YORK