« Nous devons pouvoir gagner en agilité »

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Quelles sont vos priorités

pour Toyota ?

En tant que vice-président, mon rôle sera d’aider Toyota à devenir une entreprise globale. La dimension internationale d’un groupe ne se résume pas à son nombre d’implantations à l’étranger, et beaucoup d’entreprises restent dans une logique nationale tout en étant très présents ailleurs. Nous pouvons mieux saisir les tendances fortes des zones où nous sommes présents. Le deuxième point, c’est de cultiver de ce que notre PDG, Akio Toyoda, appelle la « true competitiveness « , littéralement la « vraie compétitivité ». C’est-à-dire cette capacité à allier une bonne définition des produits, une recherche de croissance, avec une structure de coûts optimisée. Enfin, je souhaite apporter une dimension complémentaire en termes de management. Toyota a pu avoir tendance à une certaine bureaucratie. Le groupe doit pouvoir gagner en agilité et en prise de décision. Akio Toyoda a déjà considérablement réformé l’organisation.

Votre nomination est-elle le signe d’une plus grande

diversité ?

Ce n’est pas le genre de la maison. Toyota ne se permettrait pas de tenter une « expérience » en donnant à un non-Japonais la responsabilité de son marché domestique, qui représente 3 millions de voitures, dont 1,4 million pour Toyota. Je pense que le travail que nous avons fait collectivement en Europe – qui est, avec 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires, une zone modeste pour le groupe – a été regardé de près. En mars 2009, Toyota vendait 1,14 million de voitures en Europe, et générait 996 millions d’euros de pertes. Cette année, nous avons généré 580 millions de profits, et nous vendons 898.000 voitures, avec un taux de change qui est resté stable entre les deux dates. Nous avons relevé la tête malgré la crise européenne, en regardant le haut de bilan – la croissance – et le bas de bilan – notre structure de coûts. L’un ne va pas sans l’autre. On ne peut pas se contenter d’être un « cost-killer » et, à l’inverse, une croissance sans rentabilité ne m’intéresse pas.

Même si Volkswagen devient cette année numéro un mondial devant Toyota ?

Si nous vendons plus de voitures et que nous sommes plus profitables que l’an dernier, le fait d’être dépassé par Volkswagen ne sera pas un sujet. Sauf si notre concurrent devient à la fois plus gros et plus rentable que nous. C’est la même chose avec Nissan en Europe. S’ils sont capables d’aller plus vite tout en étant plus profitables que Toyota, bravo. Mais si c’est seulement l’un de ces critères…

Comment voyez-vous évoluer les différents marchés que vous pilotez ?

En Europe, j’ai dit à mes équipes qu’il n’était pas question de perdre de l’argent en Russie cette année, malgré la crise actuelle. Et nous y parviendrons, en adaptant nos prix et notre structure de coûts. En Amérique du Nord, où nos résultats sont extrêmement profitables, nous avons un gros projet de lancement d’une usine au Mexique, où nous fabriquerons la Corolla. Il s’agira de mettre en place une organisation du site (industriel, logistique…) totalement différente, pour que ce dernier devienne le plus compétitif du groupe. Nous n’avons pas ouvert d’usine depuis quatre ans, cela doit nous aider à nous remettre en cause. L’autre objectif est d’optimiser la structure, comme nous le faisons en regroupant nos métiers dans un nouveau siège, au Texas. Aujourd’hui, l’économie américaine envoie des signaux positifs, mais n’attendons pas d’être situation difficile pour se mettre à l’abri.

Avez-vous d’autres projets d’implantations industrielles, par exemple en Afrique ?

Pour le moment non. Nous vendons environ 270.000 voitures en Afrique. C’est un petit marché, même s’il a un énorme potentiel et que les marges par véhicule sont déjà intéressantes. Mais il y a de vrais risques politiques.

Pourriez vous lancer des voitures low cost, comme Renault-Nissan ou Volkswagen ?

C’est un sujet que nous regardons régulièrement. Mais nous n’avons jamais été extrêmement performants sur ce type d’approches. Ce ne sont pas des choses faciles à faire, en termes d’organisation et de respect de la qualité. Un élément non-négociable pour Toyota. Notre priorité est plutôt de réfléchir sur le temps long, d’imaginer ce que sera Toyota dans vingt-trente ans. Et par là même, la mobilité de demain.

Quelle est votre vision sur ce sujet ?

Nous n’avons pas forcément la réponse ! Entre la voiture autonome, l’auto-partage, les différentes technologies de baisse des émissions… Tout le monde cherche le modèle de demain. Toyota est présent sur l’ensemble des sujets. Nous croyons beaucoup à l’avenir de l’hydrogène et les débuts prometteurs de notre Mirai nous confortent dans cette vision. En milieu urbain, nous maîtrisons la technologie électrique – nous expérimentons le sujet à Grenoble avec iRoad. Nous sommes également pionniers dans l’hybride et nous allons développer le « plug-in  » hybride avec d’autres modèles qui intégreront la technologie. Quant à la voiture automatisée, nous discutons avec tout le monde, Apple et Google compris. C’est un sujet stratégique, où les risques de voir émerger de nouveaux acteurs existe.

Toutes ces innovations impliquent d’investir sur plusieurs fronts. Croyez-vous à une consolidation des constructeurs ?

Nous sommes déjà des acteurs de la mutualisation. Nous avons ouvert notre portefeuille de 5.600 brevets sur l’hydrogène. Nous avons signé en mai un accord avec Mazda, ouvrant la voie à de multiples sujets potentiels. Enfin, nous poursuivons notre collaboration avec BMW, ainsi qu’avec PSA dans les petites voitures et les utilitaires. Mais sur ce dernier point, nous n’avons pas de projets d’élargissement de coopération.

A Bruxelles Maxime Amiot