Obama juge « honteux » l’octroi de bonus à Wall Street

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« C’est le sommet de l’irresponsabilité. Et c’est honteux. «  Barack Obama n’a pas mâché ses mots après la publication d’un rapport du contrôleur de l’Etat de New York qui évalue à 18,4 milliards de dollars le montant des bonus versés en 2008 à Wall Street. C’est 47 % de moins qu’en 2007, mais ce montant place le millésime 2008 au sixième rang des versements les plus importants sur la place financière New-Yorkaise. L’information est particulièrement difficile à digérer pour les politiques, alors que le contribuable américain verse des centaines de milliards de dollars pour secourir les banques et l’économie en général. Le procureur général de New York, Andrew Cuomo, est déjà en train d’examiner l’octroi de 4 milliards de dollars de bonus à Merrill Lynch en décembre, alors que la banque, passée sous le giron de Bank of America, a enregistré 15 milliards de pertes au dernier trimestre. « Ce pays ne supportera pas que l’on gâche l’argent du contribuable pour payer des bonus aux dirigeants de sociétés qui ont enregistré d’énormes pertes et qui ont eu besoin du soutien de l’argent public », a-t-il assuré.

« Il faut distinguer entre la compensation des dirigeants et celle des salariés », tempère Don Lindner, directeur de WorldatWork, une association de spécialistes des ressources humaines. « Pour la plupart des salariés, leur compensation salariale est divisée entre un salaire modeste et un bonus important. Leur retirer leur bonus peut revenir à leur retirer de 30 % à 40 % de leurs revenus annuels ! », souligne-t-il. En 1985, le bonus moyen s’élevait à 13.970 dollars à Wall Street, selon l’office du contrôleur de New York, en 2008, il s’est établi à 112.020 dollars. Avec une grande disparité. Autant les dirigeants qui ont mal géré leur entreprise ne devraient rien recevoir, autant il est difficile d’imposer cela à des cadres plus modestes dont la rémunération a été construite ainsi.

Le système a été contourné
L’inflation sur les bonus est le résultat d’une loi de 1992 aux Etats-Unis qui mettait un plafond sur les déductions perceptibles par l’entreprise si elle payait son PDG plus d’un million de dollars par an. Comme toujours, le système a été contourné par l’octroi de primes et de stock-options. L’évolution avait été appréciée par les actionnaires, qui estimaient qu’un patron actionnaire agirait dans leur intérêt. « Il faut revenir aux fondamentaux et réfléchir à la façon dont on structure une rémunération, affirme Don Lindner, et accepter plus de transparence autour de la rémunération des dirigeants. »

Certaines banques ont déjà fait preuve d’originalité. Credit Suisse a utilisé 5 milliards de ses actifs les plus illiquides pour rétribuer ses managers de premier et deuxième rang. La banque a également, à l’instar d’UBS et Morgan Stanley, instauré des clauses de « clawback » qui obligent un salarié à rendre l’argent dans certaines conditions. UBS, qui a diminué de 80 % ses bonus par rapport à 2007 (à 2 milliards de dollars) après avoir reçu de l’argent public, a mis en place un système de compensation variable bloqué sur un certain nombre d’années qui peut évoluer à la hausse ou à la baisse en fonction de la performance. Il y a fort à parier que les actionnaires américains vont revenir en force lors des assemblées générales cette année pour faire passer le « say on pay « , une mesure qui leur donne le droit de voter sur les rémunérations des dirigeants.

V. R.